« Tu écris tout ça ? » m’a demandé un ami à qui je parlais de mes périples.
C’est difficile à raconter, parce que d’une certaine manière, la vie de musicienne est assez répétitive. On arrive, on installe, on joue, on discute en vendant quelques disques, on dîne, on dort, le matin on boit un café, on remballe et hop. (C’est une manière de voir les choses.) Je ne saurais pas dire si c’est plus intéressant que la vie de bureau, vu que je ne l’ai pratiquée que pendant deux ou trois ans à tout casser, mis bout à bout, en comptant large. Je n’avais pas eu le temps de m’en lasser quand j’ai arrêté. Je faisais des choses nouvelles et j’avais rencontré des gens qui sont encore mes amis aujourd’hui. J’apprenais tous les jours.
L’autre manière de voir les choses, c’est tout ce qui se passe autour, le pas pratique à écrire, parce que c’est les lieux, les gens, les villages, les associations, la marge de manœuvre que la vie laisse pour être un peu dingue et faire des projets irrationnels, des existences qu’on ne voit pas dans la fiction parce qu’elles ne seraient pas assez crédibles.
La Cheminée à Albi, c’est une ancienne usine de chapeaux. Pas très rénovée, pas chauffée, briques rafistolées aux parpaings, et une cour encombrée de lierre et de vieux bois où les grognements des pigeons trouvent une caisse de résonance démesurée. Les propriétaires qui nous accueillent vivent en fait dans un coin de l’usine. Ils ont réhabilité une pièce ou deux pour eux, mais le reste, c’est pour la galerie d’art, pour les concerts, pour faire vivre le lieu et le collectif. Ancienne des squats Genevois, graphiste, travailleurs sociaux, sans la ramener ils activent un réseau d’Albigeois qui se parlent et qui se bougent. Ils nous ont programmés parce que Pollyanna ressemblait beaucoup sur Instagram à Sylviane quand elle était plus jeune, selon André-Pierre. A quoi ça tient.
Pendant qu’on installe, une femme entre par hasard (elle a vu de la lumière, si on peut dire) et elle me raconte qu’elle vient de rentrer d’Argentine après y avoir vécu des dizaines d’années, parce que son mari n’est plus là et qu’elle veut vivre près de son fils. Elle reviendra pour le concert, et chante Duerme Negrito avec nous en pleurant un peu. Elle dit que finalement elle ne voit pas son fils tant que ça. J’essaie de dépouiller une des spectatrices de sa polaire des années 80 multicolore et magnifique mais c’est peine perdue, c’est sa polaire préférée.
Le soir, on mange du poulet aux olives en parlant de politique. Tout le monde clope à table. André-Pierre appelle son chat « ma chérie », pareil que sa compagne. Je pars après manger, dans la nuit, j’ai un truc tôt le matin à Toulouse, alors tout le monde s’interrompt dans le repas pour porter le matos et faire avec nous le tetris du camion. Ce que je préfère dans les concerts, c’est les chargements collectifs.
Et aussi, Albi est une des plus belles villes que j’ai jamais vues, mais je suis pas douée pour les descriptions architecturales.
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